Nouvelles Techniques Génomiques (NGT): Demande d’un débat public
- Meng Landwirtschaft
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Nous, organisations signataires de la plateforme luxembourgeoise “Meng Landwirtschaft”, souhaitons par la présente exprimer une position commune concernant les plantes alimentaires génétiquement modifiées issues des “nouvelles techniques génomiques” (NGT), actuellement en débat dans le cadre d’un projet de règlement européen COM(2023) 411 final / 2023/0226 (COD) du 5 juillet 2023.
Résumé du contenu du règlement
La nouvelle loi positionne les plantes génétiquement modifiées en laboratoire par mutagenèse ciblée en procédure cisgenèse à 20 endroits du génome au maximum (plantes de catégorie NGT1), comme identiques aux plantes issues de la sélection végétale traditionnelle.
Les plantes NGT1 seraient ainsi retirées de la législation actuelle sur les OGM et les procédures d'évaluation des risques avant la mise sur le marché ainsi que l'étiquetage en tant qu'organismes génétiquement modifiés (OGM) sur les denrées alimentaires ne seraient plus applicables.
Conséquences pour les consommateur/trices et les agriculteur/trices
Perte de la transparence et la traçabilité des produits alimentaires issue de la biotechnologie
Entrave à la liberté de choix pour les consomma/teur/trices
Promotion de semences industrielles centralisées (dans des entreprises semencières multinationales) et privatisées (par des brevets sur le vivant)
Entrave à l’autonomie alimentaire et semencière des régions et à la diversité des variétés régionales (biodiversité cultivée)
Perte de la possibilité des états membres de ne pas autoriser la mise sur le marché des plantes NGT1 (suppression de l’option de refus selon la directive (EU) 2015/412)
Débat public
A la veille de l’adoption du règlement visant la dérégulation des plantes de la catégorie NGT1, nous, en tant qu’acteurs engagés pour une agriculture respectueuse de l’environnement, de la santé publique, des droits des agriculteurs et de la transparence envers les citoyens, nous souhaitons initier et accompagner un débat public portant sur les questions d’avenir de l’alimentation et de l’agriculture.
Les questions à aborder dans le cadre de ce débat ont été identifiées comme suit :
Le règlement NGT annonce des variétés NGT résistantes aux aléas du climat et indépendantes des pesticides comme solution pour une production alimentaire résiliente et écologique. Pourtant, à l’heure actuelle, les nouvelles techniques génomiques ne sont pas encore capables de créer ce genre de variétés. Comment peut-on adopter une loi portant sur des promesses et pas sur des faits ? Ne faudrait-il pas d'abord développer les variétés résistantes au climat et indépendantes des pesticides qui ont été annoncées, puis tester leur fiabilité pendant quelques années avant de commencer à restreindre les réglementations existantes en matière de liberté de choix des pays, des agriculteurs et des consommateurs ?
Face à des crises actuelles d’ordre écologique, économique et politique, les initiatives en politique agricole européenne visent aussi bien une transition écologique qu’une promotion des systèmes alimentaires régionaux et indépendants. Ces ambitions ont été formulées dans les concepts du Green New Deal et de la Open Strategic Autonomy. Comment peut-on concevoir des systèmes alimentaires régionaux sur la base de semences privatisées et non reproductibles par les cultivateurs ? Ne serait-ce plus cohérent de promouvoir la souveraineté semencière des régions basée sur semences traditionnelles et reproductibles à la ferme (on farm conservation et development) ?
Les NGT sont définies comme des procédés rapides, faciles à mettre en œuvre et peu coûteux, qui permettront à tous les pays du monde de développer à nouveau des systèmes régionaux de création de variétés et de production de semences. Avant de pouvoir parler d'une perspective réaliste, ne faudrait-il pas concrétiser ces annonces de décentralisation et d'autonomie semencière ? Par exemple, garantir la non-brevetabilité des variétés NGT1 ne serait-il pas la première étape nécessaire dans cette direction ?
Notre vision de l’avenir
Nous reconnaissons les progrès impressionnants de ces dernières décennies dans les domaines de la recherche génétique, de la technologie et de la coopération entre les nations. Toutefois, nous mettons en garde les politiciens et les citoyens à veiller à ce que ces progrès profitent en premier lieu au bien commun et au développement d’une société écologiquement et socialement soutenable au lieu de profiter aux intérêts d’un petit nombre d’entreprises multinationales.
Nous sommes convaincus que l’agriculture régionale, diversifiée et écologique constitue une base fondamentale pour l’avenir et nous rejoignons ainsi les objectifs de la décennie pour l’agriculture familiale (Nations Unies, 2019-2028). Nous rejoignons également les objectifs du Traité sur les Semences (Nations Unies, 2001) et de la Déclaration des Droits des Paysans (Nations Unies 2018) en ce qui concerne la diversité de nos plantes alimentaires et le droit aux semences.
En ce qui concerne les variétés de plantes alimentaires adaptées à assurer une alimentation de haute qualité et en quantité suffisante, nous soutenons les variétés issues de la sélection végétale biologique qui montre depuis de décennies que les variétés reproductibles et génétiquement diversifiées constituent le meilleur moyen pour faire face au changement climatique et ses effets secondaires au niveau phytosanitaire. Sécuriser nos récoltes en temps incertains se fera au mieux sur une grande diversité des variétés régionales qui sont capables d’évoluer continuellement et progressivement dans le contexte d’un environnement changeant.
Conclusion
Selon notre compréhension, effectuer des modifications artificielles en laboratoire sur jusqu'à 20 endroits différents du génome d'une plante n'est pas équivalent à la sélection végétale traditionnelle. Nous nous rallions donc à l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 25 juillet 2018 (C-528/16), selon lequel les nouvelles techniques génomiques devraient également être soumises à la législation européenne existante sur les OGM.
À ce jour, les NGT ne permettent ni de modifier les caractéristiques polygéniques des plantes, ni d'imiter les processus épigénétiques écosystémiques que les plantes traversent lors du développement des variétés et de la multiplication des semences traditionnelles. Si les NGT sont censées être la voie de l'avenir, cela devra d'abord être prouvé par des faits solides et durables.
Nous demandons un véritable débat public et une approche transparente du processus décisionnel, à la fois au niveau luxembourgeois et européen. En tant qu'organisations de la société civile activement engagées dans les questions relatives à l'avenir de l'alimentation et de l'écologie, nous plaidons pour une révision du projet de règlement sur la base de faits et non de promesses. Aussi, nous sommes prêts à fournir des informations détaillées et bien-fondées pour soutenir les arguments de cette prise de position et proposons au ministère de l'Agriculture, à partir de l'automne 2025, un échange public entre experts afin que les citoyens puissent s'informer de manière exhaustive et se forger leur propre opinion.
Août 2025
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